These
types are theoretically at opposite ends of a continuum
and refer to the mode of perceptual organization and the
conceptual categorization of the external environment. 1
Je résumerais ainsi les deux
catégories. La personne visuelle crée le contact avec
son environnement d'abord par les yeux et se sent
spectatrice, alors que la personne tactile est soucieuse
de ses sensations physiques et de ses expériences
subjectives qu'elle ressent de façon émotionnelle. La
plupart des gens se situent entre ces extrêmes.
Il m'apparaît important d'élaborer
ici ces concepts, car ils me semblent primordiaux et je
m’en sers constamment dans mes cours.
Le type visuel est l'observateur et
il approche habituellement la réalité par son
apparence. Il semble que le visuel voit d'abord
l'ensemble, puis qu'il incorpore les détails au tout. Il
travaille simultanément sur toute la surface du tableau
et revient superposer par touches les détails au fur et
à mesure qu’il construit l’image. Le visuel est
intéressé par les proportions, la ressemblance, la
profondeur ("perspective"), les changements de lumière
et d'ombre, l'atmosphère, la couleur "juste". Les
transformations dans l'apparence d'un objet sont vécues
comme une expérience intéressante (les Cathédrales de
Monet). Le visuel est un "impressionniste". Le visuel
travaille de façon fluide, Delacroix, Rodin.
A l'inverse, le type tactile est
tourné vers le monde intérieur de ses sensations et
s'intéresse au monde extérieur dans la mesure où il en a
une expérience qu'il peut ressentir corporellement :
toucher, tensions, sensations, émotions. Les
proportions et les formes sont déterminées par leur
importance affective. Le tactile fait le focus sur ce
qui l’intéresse et le reste disparaît. C'est ainsi que
certains détails sont amplifiés en fonction de leur
signification émotionnelle. Il construit par blocs
et supprime facilement la profondeur. Les
« à-plat ». Ce type aime souvent les
textures et ce qui se touche. Son art est
subjectif. L'artiste lui-même devient une partie
du tableau. Les distorsions se font naturellement
(pensez aux longs cous des portraits de Modigliani).
Quand le tactile dessine, il perçoit, ressent ce qu’il a
perçu, puis il l’exprime. Les couleurs et les formes
sont choisies en fonction de valeurs subjectives.
La vache peut être rose sans problème. Le tactile est un
expressionniste. Cézanne, refusé aux Beaux-arts, avait
été
qualifié de « rustre » en dessin. Cézanne est
assurément un tactile. Il y a de la puissance qui se
dégage des œuvres tactiles, Matisse, Soutine…
Il m'a été
particulièrement précieux, étant au départ une
"visuelle" qui rêvait d'être tactile, de comprendre
comment les personnes adultes qui viennent à mon cours
et se disent nulles en dessin sont en général des
"tactiles". Ces personnes se sentent souvent
rejetées. Le fait de leur donner accès au "génie" de
leur réalité perceptuelle en leur permettant de
comprendre et d'accepter leur mode de relation a été
fondamental.
J'ai ainsi compris qu'il était sans
intérêt de parler de proportions à une personne de type
tactile et que l'espace n'a de sens pour elle que s'il
correspond à une expérience.
Je suis reconnaissante à Viktor
Lowenfeld d'avoir élaboré ces concepts d'autant que Jean
Goguen les avait intégrés à son enseignement et que j'ai
pu moi-même en bénéficier. Ils donnent un nouvel
éclairage à la réflexion sur l'art :
Viktor Lowenfeld
affirmait : (...)art consists in depicting the
relations of the
artist to the world of his experiences - that
is, depicting his experience with objects and not the
objects themselves
Ainsi la valeur de l'art repose-t-elle dans la
transmission de l'expérience, qu'elle soit visuelle ou
tactile, et non dans l'habileté à reproduire un
objet pour qu'il ait l'air "vrai" :
It will then become evident that "truth" is relative
and that the word should be replaced by "sincerity".3
3Ibid. p. 256. "Il deviendra alors évident que la
"vérité" est relative et que ce mot devrait être
remplacé par "sincérité.1Viktor Lowenfeld and W.
Lambert Brittain, Creative and Mental Growth, Sixth
Edition (New-York: Macmillan Publishing, 1975), p.275.
"Ces types sont théoriquement aux
opposés d'un continuum et font référence à un mode
d'organisation perceptuelle et à une conceptualisation
de l'environnement extérieur."
Francine Labelle